En 1919, la République Française a supprimé deux clauses essentielles du traité
d'annexion. Les deux clauses en question sont l'exemption, pour la Savoie, des deux plus
lourds impôts d'alors : celui du sang pour tous les savoisiens (confirmation du statut de
"Neutralité Helvétique" de la Savoie), celui des droits de douane et droits
indirects pour les savoisiens du nord (extension de la petite zone franche existante en
une grande zone, dite "zone d'annexion").
Cela fut fait sans consulter le peuple de Savoie et sans, pour autant, dénoncer le
traité, qui constitue la seule légitimité des institutions françaises sur le sol de
Savoie. Or, l'article 55 de la constitution française de 1958 confère aux traités une
autorité supérieure à celle des lois.
S'agissant de la grande zone Franche, les intérêts de la Savoie du Nord sont très liés
à ceux de Genève, pour des raisons historiques, géographiques, économiques. Les
Savoisiens n'auraient pu accepter, en 1860, l'établissement d'une barrière douanière
entre le canton de Genève et la Savoie et préféraient, dans ce cas, rejoindre la
Confédération Helvétique. Pour que cela ne se puisse se produire, les bulletins
distribués dans toute la Savoie du Nord portaient la mention "OUI et ZONE" (il
n'y avait pas de bulletin "NON"). La zone franche, comme la zone neutre, est
considérée comme un droit acquis.
Dès le début de la première guerre mondiale était lancée en Savoie du Nord une
vaste campagne contre la Zone Franche et contre la Suisse, où trois ligues oeuvraient
pour semer la discorde entre suisses et savoisiens (A. VIBERT, président de la Ligue
Anti-Allemande chablaisienne, écrira dans la revue Le Réveil National que "Derrière
tout Suisse se cache un Boche").
Au lendemain de l'armistice, la France dénonçait la neutralité de la Savoie et
la grande zone franche, officialisant ce qu'elle avait accompli à la faveur du chaos de
la guerre. Cette trahison des engagements pris fut négociée avec les puissances garantes
des engagements et des traités qu'elle avait bafoués. C'est le 28 juin 1919 par
l'article 435 du Traité de Versailles que "les hautes parties contractantes,
tout en reconnaissant les garanties stipulées en faveur de la Suisse par les traités de
1815 ( ) reconnaissent de même (...) qu'il appartient à la France et à la
Suisse de régler entre elles, d'un commun accord, le régime de ces territoires, dans les
conditions jugées opportunes par les deux pays".
La zone franche fut supprimée par une convention franco-suisse de 1921 qui sera
ratifiée par les parlements des deux pays en 1922. En France, la loi du 16 février 1923
reportait la douane à la frontière politique, spoliant ainsi 207 communes savoisiennes.
La convention de 1921 n'était pas approuvée par une partie de la population
Suisse, où un référendum d'initiative populaire peut être organisé si 30 000
signatures (ou l'approbation de huit cantons) en manifestent le désir. L'initiative
aboutit et la consultation populaire eut lieu le 18 février 1923 et rejeta massivement la
convention de 1921. Les gouvernements suisse et français signèrent le 30 octobre 1924 un
compromis d'arbitrage qui confiait à la Cour Internationale de Justice de la Haye une
mission d'interprétation et une mission d'exécution : "indiquer aux parties
quel est entre elles l'effet de l'article 435 et, en second lieu, établir le régime
nouveau qui en découle". Après de longues années de procédures, la cour de
la Haye rendit son arrêt définitif le 7 juin 1932 : "entre la France et la
Suisse, l'article 435, alinéa 2, du Traité de Versailles, avec ces annexes, n'a pas
abrogé et n'a pas pour but de faire abroger les stipulations du protocole des
Conférences de Paris du 3 novembre 1815, du Traité de Paris du 20 novembre 1815, du
Traité de Turin du 16 mars 1816 et du Manifeste de la Cour des Comptes de Sardaigne du 9
septembre 1829, relatives à la structure douanière et économique des zones franches de
la Haute-Savoie et du Pays de Gex ( ). Le gouvernement français doit reculer sa
ligne de douanes conformément aux stipulations desdits traités ( ). Il convient de
fixer au 1er janvier 1934 la date à laquelle le recul des douanes françaises doit avoir
été effectué". L'arrêt étant exécutoire, la France retira ses douaniers de
la frontière politique pour les établir à la limite des petites zones, telles que
définies en 1815, 1816 et 1829 (soit sur 640 km2, contre 4000 km2 dans le traité
d'annexion).
Le traité d'annexion de 1860, "plébiscité" de façon sujette
à caution et dont deux clauses majeures (la neutralité et le zone franche) n'ont pas
été respectées est donc caduc.